Bienvenue sur la trente-neuvième édition
des jeudis Natura 2000 Garonne en Occitanie
....
Le retour du Castor sur la Garonne ?
Encore limité au siècle dernier au bassin versant du Rhône, le Castor d’Eurasie (Castor fiber) a fait un retour remarquable dans les rivières d’Occitanie à partir du Tarn. Découvrons ensemble, lors de cette nouvelle édition, ce fascinant rongeur, classé Natura 2000, à la fois discret architecte des ripisylves et aménageur hors pair des rives.
Un rongeur pas comme les autres
L’Ordre des Rongeurs constitue le plus important et le plus abondant des Mammifères. L’appartenance d’une espèce à cet Ordre est liée à la présence d’une seule paire d’incisive, bien développée, suivie d’un espace sans dents, nommé le diastème et ce, en raison de l’absence de canines. Et le Castor possède cette dentition particulière. Elle lui sert à creuser des galeries, couper divers matériaux ou, tout simplement, à s’alimenter. De croissance continue, c’est leur utilisation constante qui entretient leur taille et leur forme en biseau.
Au-delà de sa dentition, le Castor se distingue également par une morphologie plus large à l’arrière avec des pattes courtes, munies de fortes griffes et dont les postérieures possédant une palmure. Mais l’élément caractéristique du Castor reste sa grande queue plate et écailleuse. Souvent mal interprétée, sa queue n’est pas un outil de transport, mais sert à l’équilibrage de l’animal ou à la régulation de sa température interne. Le transport de matériaux se fait alors avec les pattes antérieures qui maintiennent les éléments contre le poitrail et sous le menton, permettant au Castor de se déplacer debout.
Une vie semi-aquatique
Comme la Loutre ou le Ragondin, le Castor est un mammifère semi-aquatique, même s’il passe la majorité du temps dans l’eau, il est capable de se déplacer sur la terre et il respire à l’air libre. Pour préserver sa température corporelle, le Castor possède une épaisse couche de graisse sous-cutanée et une densité exceptionnelle de poils : de l’ordre de 20 000 poils/cm². A titre de comparaison, le pelage du Ragondin est en moyenne de 16 000 poils/cm² et celui de la Loutre, détentrice du record, est encore plus dense avec un minima de 60 000 poils/cm².
Grâce à ses pattes arrière palmées, le Castor est bien équipé pour la nage, mais également grâce à la position de ses oreilles, de ses yeux et de ses narines qui lui permettent de rester au-dessus de l’eau. Lorsqu’il plonge, les narines se ferment automatiquement lui offrant une capacité d’apnée pouvant atteindre près de 10 minutes.
© Pexels
Le Castor n’est à l’aise que dans l’eau, qui constitue son milieu de fuite et de protection et il s’éloigne rarement des rives. Son habitat est ainsi constitué des berges et de leur ripisylve où il s’alimente. Strictement végétarien, son alimentation est composée de plantes aquatiques disponibles, mais surtout d’écorces, de feuilles et jeunes pousses de ligneux.
Bien loin de la hutte systématiquement érigée au milieu d’un lac, obtenu grâce à la construction d’un barrage, apanage du Castor canadien, le Castor européen aménage son gîte dans la berge. Celui-ci ressemble à un terrier dont les entrées doivent se situer sous l’eau. Si ce dernier n’est pas très profond, il est consolidé par un amas de branchage. On parle alors de terrier-hutte et il a l’aspect d’une laisse de crue. Cependant, il peut également construire une hutte, notamment dans les étangs ou les pièces d’eau de faible profondeur. A sa manière, le Castor est un cultivateur des eaux et des rives en aménageant son environnement.
Jeune Castor recherche une berge
Les castors vivent en cellules familiales composées des parents et d’une à deux générations de jeunes. Uniquement tolérants au clan, il n’y a pas pour autant d’entraide particulière entre les individus. Très territoriaux, les Castors défendent leur espace vis-à-vis d’autres congénères et contre les intrus. Les jeunes en dispersion sont donc susceptibles de parcourir de grandes distances, voir changer de cours d’eau pour éviter tout contact.
Les individus cherchent préférentiellement une rivière à faible pente pourvu de berges naturelles et avec une ripisylve. Tant que le régime de la rivière lui convient, le Castor n’aménage pas son environnement autrement que le creusement d’un terrier.
Cependant, ils sont capables de s’installer sur de petits cours d’eau sur lesquels ils peuvent construire une digue pour régulariser le débit et obtenir un niveau d’eau plus élevé. La plupart de nos cours d’eau étant déjà équipés de barrages ou de biefs de moulin, sont ainsi propices à l’espèce en favorisant des eaux calmes.
Comment éviter les confusions avec le Ragondin ou la Loutre ?
Il peut être délicat d’identifier un animal nageant, lorsque seule une partie émerge. Le Castor peut être confondu avec la Loutre ou le Ragondin. Sa couleur uniformément brune le distingue du Ragondin qui a un pelage plus jaunâtre sous les oreilles et une zone blanche autour des narines. Immergé, son dos est peu visible à l’inverse de celui du Ragondin.
Un Ragondin reconnaissable à sa tâche blanche © SMEAG Un Castor doté de sa queue plate et écailleuse © Pexels Une Loutre qui a un corps plus fins que ses cousins © R. Kuhn
La Loutre, quant à elle, est plus fine et nage par ondulation, avec la queue, sortant périodiquement.
Concernant les indices de présence, la marque la plus fiable reste la découverte de troncs rongés et les coupes d’arbres en "mine de crayon".
© Norbert Delmas & NEO
Est-ce que le Castor va recoloniser le corridor de la Garonne et son site Natura 2000 ?
Présent à l’origine sur l’ensemble de l’hexagone, le Castor a été très largement chassé pour sa fourrure, pour sa chair, et pour le castoreum utilisé en parfumerie. Les derniers individus localisés dans la basse vallée du Rhône ont été sauvé in extremis de l’extinction au début du XXème siècle.
Vers 1980, le Castor a été réintroduit dans le Parc National des Cévennes, sur la rivière Tarn, à partir d’individus capturés sur le Rhône. Sa dynamique naturelle de recolonisation a depuis permis à l’espèce de coloniser l’ensemble de cette rivière et de ses principaux affluents, lui permettant d’être identifiée sur la majeure partie du bassin versant.
En 2024, l’espèce est connue à l’aval de Montauban, à quelques kilomètres de la Garonne, avec en parallèle, une progression numérique de la population. Même s’il existe toujours des incertitudes sur les zones de progression de l’espèce, il est fort probable que l’espèce sera identifiable sur la Garonne.
Carte des Castors observés depuis 2004 avec une observation en 2024 près de Montauban © Biodiv'Occitanie
Merci à Manue Jacquot, chargée d'études Mammifères à Nature En Occitanie (NEO) pour la rédaction de cet article.